dimanche 26 septembre 2010

INTERVIEW: Kula Shaker


« Bonjour, vous venez pour l'interview? », c'est en Français dans le texte que je suis accueillie par Alonzo Bevan, le bassiste de Kula Shaker. En attendant le retour du frontman Crispian Mills parti se dégourdir les jambes après une journée de promo, la discussion s'entame autour d'un café sur la pollution Londonienne, l'Avesnois et les autoroutes françaises. C'est sur le chapitre « comment aller de Chimay à Londres » que Crispian Mills fait son entrée et que commence l'entretien sur l'album entre le pouvoir des fées et celui de Simon Cowell..

Vous avez sorti votre précédent album il y a plus de trois ans et ce, de manière assez confidentielle. Pourquoi tant de temps entre Strangefolk et Pilgrim's Progress?
Crispian : En fait, on est plutôt paresseux. Quoique ce n'est pas tant de la paresse que laisser les choses se faire d'elles-mêmes. Il faut sortir un album quand il est prêt et pas parce que l'aguille sur l'horloge indique qu'il est l'heure pour le sortir. Pleins de choses se sont passées dans nos vies et la sortie de Strangefolk il y a trois ans fut plutôt calme. L'album était surtout pour les fans. Il a été fait à la maison, auto-produit donc pour celui-ci, on ne s'est pas mis la pression- et on ne nous l'a pas spécialement mise- pour sortir un tube. Vous savez, il faut laisser la musique suivre son cours naturel.

Vous habitez assez loin les uns des autres, voire dans des pays différents. Est-ce que cela é rendu l'écriture de l'album beaucoup plus complexe? Comment avez-vous fonctionné?
Alonso: On est retourné à nos racines, là où on a grandi, dans une petite ville qui s'appelle Hampton, sur la Tamise, pas loin de Londres.C'est là où on s'est rencontré, là où on a passé nos jeunes années. On a voulu y revenir, et on s'est mis à composer avec nos guitares acoustiques. On avait aussi nos démos chacun de notre côté.
Crispian: on fait un peu ça, on s'enregistre et on se fait passer les MP3 mais on ne peut finir les chansons qu'en se retrouvant, en buvant en coup, en fumant une clope, ce genre de choses...boire du thé...fumer la pipe (rires) et c'était plutôt pratique de se retrouver chez sa mère, là où on se retrouvait quand on était à la fac. On est parti de nos chansons et on a construit l'album petit à petit dans un lieu qu'on avait en commun.

Vous avez enregistré l'album dans les Ardennes belges et vous avez plusieurs fois dit que ce lieu avait été une influence majeure pour l'album. Pouvez-vous nous expliquer ça?
Alonso: on ne s'y attendait pas en fait! Mais le coin est intemporel, on pourrait se trouver à n'importe quel siècle,. Il y a les bois et les bâtiments en pierre grise. C'est totalement hors du temps et cela a donc fini par donner ce côté médiéval et enchanteur à notre album.
Crispian: tous les grands albums rocks sont le fruit d'une époque et d'un lieu et votre environnement va avoir beaucoup plus d'influence sur vous que ce que vous ne pensez. Donc nous n'avons pas enregistré l'album à …. Berlin ou Abbey Road, ces grands lieux mythiques et classiques. On est juste allé au fond d'une forêt en Belgique.

Votre album est beaucoup plus acoustique et moins influéncé par la musique indienne que les précédents. Pensez-vous que cela va surprendre vos fans? Avez-vous pensé à leur réaction en écrivant l'album?
Crispian: Je pense que ça leur ira, qu'ils comprendront. Parce que l'acoustique n'effraie pas les fées. Et il y avait tant de fées dans la forêt qu'on ne voulait pas les foutre en colère! Parce que si vous les mettez en colère, elles vont vous mettre la misère!

Je ne savais pas qu'il y avait tant de fées dans les Ardennes! (rires) Contente d'apprendre ça, ça peut toujours servir si j'y passe!
Crispian: En Irlande, on les appelle les Good People pour être poli avec elles et ne pas les mettre en colère. Il faut être harmonieux et suivre leurs règles.


D'où vous est venu l'idée du titre, Pilgrim's Progress?
Crispian: c'est un titre de travail et il est resté parce que là, encore, on est paresseux. Mais bon, il a influencé tout notre travail. Vous partez d'un titre et il rejaillit sur tout l'album et lui donne une couleur.

Je pensais que ça venait du livre du même nom.
Alonso: tout à fait.
Crispian: on est parti de ça et on s'est dit qu'on trouverait mieux. Et en fait non, donc on l'a gardé, même s'il n'est pas vraiment de nous.Si on l'avait appelé A Cult For Dogs, notre album aurait forcément été différent.

Vous avez choisi Peter Pan RIP comme premier single. Pensez-vous que ce titre représente le mieux votre album ?
Crispian: Je ne l'aurais pas choisi parce qu'on ne peut pas être objectif. Notre manager l'a choisi parce que nous en étions totalement incapables. Toutes les chansons font 3mn30, c'est un peu la longueur parfaite pour tout single.

Vous n'avez même pas une chanson préférée sur l'album, une qui vous tient plus à coeur?
Crispian: ça dépend du jour ou du moment dans la journée. Ou du lieu.
Alonso: ou ce que tu as pris au petit déjeuner.
Crispian: 3 critères importants.

Qui a eu l'idée des paroles en Français dans Winter's Call?
Alonso: c'est mon fils! Il n'arrêtait pas de me répéter ça. Je vivais des moments un peu difficiles et mon fils n'arrêtait pas de me dire « papa, tu as la poisse! » (en français dans le texte)

Mais qui participe à cette chanson pour ces paroles justement? Ce n'est pas votre fils me semble-t-il?
Crispian: c'est Alonso, sous hélium!
Alonso: non, en fait c'est ma femme. Je voulais le faire mais tout le monde se marrait ...et se foutait de moi.. « la pouasse, la pouasse », bref, ça aurait fait très bizarre sur l'album.

Sur Figure It Out, vous semblez vouloir vous diriger un peu vers l'électro.
Crispian: Ca, c'est parce qu' Alonso est moitié hippie, moitié gothique. (rires)

Gothique? Et aujourd'hui, c'est quel côté qui parle? (rires)
Alonso: Hippie!

Vous allez bientôt jouer en Somalie.
Crispian: oui, à Mogadisho

Pourquoi la Somalie? C'est un lieu un peu inhabituel pour un groupe de rock.
Crispian: parce que personne n'a l'autorisation d'y aller

A part vous?
Non, en fait, c'est un concert caritatif. Peu d'organisations humanitaires peuvent y aller et donc on essaie d'aider. C'est pour que les gens, ici, comprennent. C'est une situation dérangeante et très énervante et il faut que les gens soient au courant.

Vous allez jouer au Japon. Vous avez déjà joué au Pays-Bas, en Russie, en Italie. Pensez-vous être plus populaires, plus appréciés à l'étranger?
Crispian: je ne sais pas. Je ne pense pas. Mais en même temps, je pense qu'il faut en parler au type des ventes et du marketing. Lui doit savoir. C'est très difficile parce qu'à chaque fois qu'on joue quelque part, les fans sont à 100% avec nous, ils sautent partout et K, notre premier album était un feu d'artifice de toutes les couleurs et il a attiré beaucoup de gens bizarres et les a rassemblés. On est surpris qu'ils soient toujours là. Il y avait aussi beaucoup de jeunes adolescentes à l'époque et qui maitenant viennent nous voir en nous disant :  « K est le tout premier album que j'ai acheté! »

Personnellement, je l'ai acheté à cause d'une chronique dans un magazine et je pense que pas mal d'autres à l'époque en France étaient dans la même situation.
Crispian: Comme quoi, cela fait donc tomber la théorie que les journaux ou les webzines n'aident pas à de meilleurs ventes. En tout cas, il y a une jeune génération rock qui, j'espère, aura envie d'acheter cet album.

Comment expliquez-vous le fait que la presse britannique ait été si peu sympathique à votre égard lors de la sortie de Peasants, Pigs and Astronauts et Strangefolk?
Crispian:elle n'a été d'aucun soutien surtout.
Alonso: parce que c'est une bande de cons.
Crispian: C'est une tradition chez nous, je ne sais pas si c'est pareil ici, mais en Angleterre, un groupe devient forcément un peu comme votre voisin, un type que vous croisez tout les jours. Et la familiarité entraine le mépris. Donc les Anglais, les médias anglais surtout, sont les plus cruels avec ceux qui sont des leurs.

Mais comment expliquez-vous alors que vos fans, eux, soient restés si fidèles.
A: parce qu'ils ne sont pas journalistes ….et pas anglais!
C: (rires) surtout pas anglais!

En dehors de Kula Shaker, avez-vous d'autres projets?
C: j'essaie de pousser Alonso à faire un truc du genre Serge et Jane (Gainsbourg et Birkin) avec sa femme. Ca pourrait être marrant. De mon côté, j'ai eu un enfant, ce qui est un projet solo à part entière, et ça m'a pris beaucoup plus de temps que ce que je pensais.

Si vous aviez 3 mots pour décrire Pilgrim's Progress, pour donner aux gens l'envie de l'écouter, de l'acheter, que seraient-ils?
C: romantique.
A: oui, romantique.
C: théatral et trappiste! À cause des moines trappistes qui brassent leur bière et qui ont failli saboter l'album!

Vous avez dit très souvent être fan de Jerry Garcia et, vous le savez peut-être, Ben et Jerry ont sorti une glace en hommage au guitariste qui s'appelle la Cherry Garcia. Et vous, ça vous plairait d'avoir une glace à votre nom?
A: ça serait plutôt cool!
C: pour moi, je pense qu'elle s'appellerait la glace « Sans oeufs pour les allergiques aux lactose »
A: la glace « Pour mecs ultra chiants » quoi, Crispian.
C: En fait, les glaces de chez Swedish Glace sont si bonnes qu'elles dépassent tout ce qui existe. Je devrais peut être les appeler et les supplier. Ca pourrait être cool!

Une dernière question: je vous ai entendu tout à l'heure faire 3 titres à l'acoustique. Vous n'avez jamais pensé sortir un album totalement unplugged?
Crispian: Pilgrim's Progress est en fait le truc le plus acoustique que l'on pouvait faire. C'est notre tentative, pour voir jusqu'où on savait aller dans l'acoustique, mais c'est vrai que ça pourrait être sympa, un album juste guitare/chant. En fait, le prochain album devrait être plus live. J'espère qu'on ne mettra pas 18 mois à le faire cette fois-ci.
Tant que c'est un bon album, ça n'a pas d'importance.
Crispian: exactement. J'ai rencontré David Gilmour, par accident, vers la fin des années 80 et je lui ai demandé « Est-ce que tu as beaucoup de pression pour sortir ton album? » parce que,bon, pour eux, 5 ans entre chaque album, c'est un peu la norme et il a dit « oh, les maisons disques, elles râlent et nous engueulent mais elles savent qu'on est bon. » Donc c'est comme une danse entre elles et nous.

Que pensez-vous de la musique en Grande-Bretagne? Avez-vous des groupes avec lesquels vous aimeriez partager une affiche?
Crispian: la chose triste c'est que le truc le plus nouveau qui vient d'Angleterre est forcément associé à Simon Cowell, ces programmes de télé réalité, ce n'est pas bon pour les groupes, ce n'est pas un environnement très nourrissant, culturellement parlant, pour les jeunes.
Alonso: c'est toujours la même chose, des titres très vocaux et des grosses ballades sirupeuses.
Crispian: attendez, il y a un groupe qui me plait, attendez, ça va me revenir (il se prend la tête dans les mains) ah, c'est toujours pareil, je sais mais là, si je ne retrouve pas la réponse, cette question va me rester dans la tête comme une incantation.
Mais bon, pour revenir à Simon Cowell, tous les ans, à la même époque, pour Noël, on essaie de nous refourguer LE tube sorti de X Factor mais l'année dernière, il y a des types qui ont lancé cette campagne sur internet pour que Killing In The Name Of des RATM soit n°1 à Noël et c'est arrivé!
Les journaux ont dit que ça représentait le pouvoir des fans sur celui des médias mais ce n'était pas ça. Tous les gens qui ont fait que RATM a été n°1 n'étaient pas des fans du groupe mais c'était la représentation du pouvoir du peuple qui a dit haut et fort « non, je ne veux pas que vous me vendiez la même merde, chaque année!  Vous pensez que vous savez ce que nous voulons entendre, vous pensez que vous avez le droit de nous dire ce que nous devrions avoir ou faire. Nous ne sommes pas des robots consommateurs ». Ca, ça été super excitant. Les gens l'ont acheté pour dire à Simon Cowell d'aller se faire foutre. Ca, ça a été l'évènement musical le plus excitant de ces 5 voire 10 dernières années. Euh, par contre, j'espère que vous n'allez pas me dire que Simon Cowell est votre oncle!



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